Résumé Flore et faune
Les bois et prairies permanentes du Haut Montbelleux.
Note à l’attention du collectif pour la conservation du site de Montbelleux
par un écologue et botaniste, le 04 avril 2023 (observations de 2022).
Le site du Haut Montbelleux est situé sur l’ancien bois de Montbelleux, déjà indiqué à l’époque du minimum forestier vers 1850 sur la carte d’état-major. Depuis cette époque, toutes les archives disponibles indiquent que, malgré l’exploitation de la mine, 6 ha sur les 9 du boisement ont été gérés en foresterie mais jamais défrichés pour être cultivés, respectant ainsi la continuité de l’état boisé et du sol forestier. Les conditions sont donc réunies pour caractériser une forêt ancienne [1].
Ces quelques hectares peuvent paraître insignifiants par rapport à d’autres régions de France, mais ne le sont pas du tout en limite de deux régions parmi les moins boisées de France [2], sans même parler de forêt ancienne. Tout cela dans une dynamique d’effondrement de la biodiversité. Les oiseaux forestiers en particulier ont perdu 51% de leur population entre 2003 et 2013 en Bretagne [3].
Le boisement du Haut-Montbelleux entourant l’ancienne mine
Qu’en est-il de l’état du boisement du point de vue naturel ? Il pourrait être ancien en théorie, mais avoir été dégradé malgré tout lors de ses diverses utilisations.
Dans le peuplement forestier, on observe le Hêtre (Fagus sylvatica), le Chêne pédonculé (Quercus robur) et le Chêne rouvre (Quercus petraea), trois essences sauvages et donc adaptées au milieu, se développant en mélange avec des Châtaigners (Castanea sativa) qui eux ont été plantés. On note quelques arbres assez âgés, mais ce n’est pas l’âge du peuplement qui en fait sa particularité, c’est bien l’ancienneté du sol forestier. Une coupe rase a probablement eu lieu entre 1982 et 1985 d’après les photographies satellites, ce qui ne change rien à la continuité de l’état boisé, celle-ci étant indépendante de la gestion [4].
D’un point de vue botanique cette ancienneté est flagrante en observant les strates herbacée et arbustive, qui échappent plus facilement à la gestion forestière et gardent la trace du temps. On peut citer en sous-bois la Fougère aigle (Pteridium aquilinum), le Houx (Ilex aquifolium) ou encore le Carex à pilules (Carex pilulifera) parmi les marqueurs de forêts anciennes [1]. Espèce moins commune, la Myrtille (Vaccinium myrtillus) est également présente en lisière et au milieu du boisement (espèce en déclin avec -42% des communes 35 et 53 sur avant/après 2000[5]), de même que la Canche flexueuse (Avenella flexuosa). Cette dernière est très rare dans toute la Bretagne et classée déterminante ZNIEFF en Ille-et-Vilaine. Ces espèces, bien que souvent localisées dans les parties qui ont été le mieux préservées au cours du temps, pourraient recoloniser toute la forêt si on la laissait vieillir.
En plein milieu du boisement, dans un ancien trou creusé pour la mine, on observe une régénération de lande sèche dominée par la Callune (Calluna vulgaris). L’orée du bois donnant sur la petite route au nord, présente elle un ourlet acidiphile en très bon état. On peut y observer une graminée menacée, la Fétuque de Westphalie (Festuca ovina subsp. guestfalica « En Danger » sur la liste rouge du Massif armoricain).
A retenir sur le boisement
Etat écologique : bon état, certaines parties caractéristiques de forêt ancienne en très bon état.
Présence d’une lande sèche secondaire à l’intérieur du boisement (habitat européen) et d’un habitat d’ourlet acidiphile à espèces rares (l’une ZNIEFF et l’autre menacée).
Ancienneté : milieu ancien avec 6 ha jamais défrichés (sol ancien, indépendamment de la gestion du peuplement forestier) et donc rare et préservé.
Participation au paysage : boisement d’assez petite taille (9 ha), mais qui constitue - le principal vestige de l’ancien bois de Montbelleux, à savoir 6% du bois originel et 72% des espaces toujours boisés actuellement, le reste étant fragmenté ;
- le plus grand boisement ancien dans les 5 km alentours au moins (avec potentiellement le Bois de Mué à 2 km qui est plus petit d’un hectare) ;
- le 3ème plus grand boisement tous critères confondus dans un rayon de 5 km (après ceux du Saut Roland 12 ha et de la rivière de Billé 10 ha).
Milieu pollué veut-il dire milieu non naturel ? Par ailleurs, du point de vue humain, le sol forestier est très épais et bien plus apte qu’un sol de milieu ouvert à retenir les molécules toxiques en ralentissant le ruissèlement. |
Les prairies de fauche au nord du site
Egalement concernés par le projet, cinq hectares de prairies permanentes font partie de la propriété du Haut Montbelleux : 1 ha de prairie accolée au boisement et 4 ha au nord de la petite route.
Les prairies permanentes sont des prairies non labourées, fauchées ou pâturées. Celles du site sont en l’occurrence gérées en fauche. C’est un milieu semi-naturel, élément clé du bocage et l’un des plus diversifiés au monde pour la flore et la faune [6]. Par ailleurs, le rôle des prairies s’étend au-delà de la biodiversité qui assurent :
- une production de fourrage stable et de qualité pour le bétail, sans aucun besoin d’intrants ni d’irrigation ;
- la séquestration du carbone, autant voire plus qu’un sol forestier [7] ;
- maintien de la qualité des sols et de l'eau [8].
Malgré toutes ces qualités, les prairies permanentes omniprésentes il y a encore 50 ans sont en train de disparaître du paysage comme en témoigne le déclin des oiseaux spécialistes de milieux agricoles : -89% sur la période 2003-2013 en Bretagne [3]. Tout comme les landes qui ont quasidisparu au XXe siècle (de 30% à 0,5% du territoire breton [9]), les prairies permanentes sont jugées trop peu productives et remplacées par d’autres pratiques agricoles ou un autre usage, souvent l’urbanisation [10] ou encore la production d’énergie solaire depuis quelques années.
Les prairies de fauche du Haut Montbelleux sont d’une richesse floristique exceptionnelle, qui saute aux yeux de couleurs et de vie lors de la période de floraison de mai à juillet. Parmi les fleurs, certaines sont classées « peu communes » pour le Masif armoricain (Millepertuis tacheté Hypericum maculatum, Pommier sauvage Malus sylvestris) [5]. D’autres espèces méconnues seraient à étudier plus en détail, comme les Epervières et la Ronce particulière en cet endroit (Hieracium sp., Rubus sp.) qui témoignent du passé forestier de ce milieu. Les insectes pollinisateurs sont abondants, comme le Fadet commun (Coenonympha pamphilus) et le Cordulégastre annelé (Cordulegaster boltonii) en photo ci-dessus, et des Orthoptères que l’on entend striduler bruyamment.
Autour des prairies, les haies bocagères sont en très bon état, multi-strates, d’âge varié, tout ce qui conditionne la biodiversité animale et végétale. Celles du bord de la route principale sont discontinues mais présentent de très vieux arbres remarquables.
A retenir sur les prairies
Etat écologique : optimal. La prairie de 4 ha pourrait servir d’état de référence pour les prairies alentours. Celle de 1 ha est légèrement moins riche en espèces spontanées et semble avoir été semée en trèfle il y a quelques années. Les haies sont en très bon état, parfois anciennes.
Ancienneté : la moitié sud de la grande prairie de 4 ha (soit 2,5 ha) semble n’avoir jamais été cultivée d’après les photos satellites, le reste de la surface a été observé au moins une année en culture. Toutes ces prairies sont néanmoins anciennes et donc bien plus préservées et riches que les autres parcelles alentour.
Participation au paysage : il s’agit d’éléments rares du paysage d’après le RPG [ ] bien que celui-ci n’apporte pas toutes les informations (dont l’ancienneté des prairies et leur type de gestion) mais aussi de visu dans le paysage : aucune autre prairie en aussi bon état n’a été vue à proximité.
Références utilisées
[1] Morel L., 2021. Forêts anciennes et boisements féraux d’Armorique : conserver le patrimoine d’hier et protéger la nature de demain. Penn ar Bed no 241-242 mars 2021 [dont une revue de la littérature sur les espèces végétales indicatrices de forêts anciennes]
[2] Pays-de-la-Loire en 1ère position, Bretagne en 4ème position des régions les moins boisées de France.
Inventaire forestier 2016 par région - https://inventaire-forestier.ign.fr/IMG/pdf/IF_37.pdf
[2] Les tendances des populations d’oiseaux de Bretagne sont tirées de : Lorrilière & Gonzalez, 2016.
Déclinaison régionale des indicateurs issus du Suivi Temporel des Oiseaux Communs (STOC) – Rapport
d’analyse
[4] Cateau et al., 2015. Ancienneté et maturité : deux qualités complémentaires d’un écosystème forestier.
Comptes Rendus Biologies 338, pp. 58-73
[5] Les tendances d’espèces végétales citées proviennent des données de la base eCalluna du Conservatoire Botanique National de Brest - https://www.cbnbrest.fr/ecalluna/
[6] Mauchamp et al., 2012. II. Biodiversité des écosystèmes* prairiaux In: Les prairies : biodiversité et services systémiques [online]. Besançon: Presses universitaires de Franche-Comté. p. 21-52
[7] INRA & RMQS, 2020. Stocker du carbone dans les sols français.
https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/Etude_4pour1000_RESUME_Novembre%202020.pdf
[8] Peyraud J.-L., Peeters A., De Vliegher A., 2012. Place et atouts des prairies permanentes en France et en Europe
[9] De Beaulieu François, 2017. Landes de Bretagne. Ecomusée du Pays de Rennes
[10] https://professionnels.ofb.fr/fr/node/1427
- Les photographies satellites actuelles, les cartographies anciennes et e Registre parcellaire graphique ont été consultées sur https://www.geoportail.gouv.fr/carte
- Les photographies satellites anciennes ont été consultées sur https://remonterletemps.ign.fr/